Ils ont été sidérés par la présence de l’arbre, saisis par le jeu des temporalités de ce passeur entre le monde chtonien et le monde ouranien. Ils ont éprouvé l’admiration, mais aussi l’horreur, inspirés par ce végétal souverain. Presque tous ont guetté, écouté, la parole de l’arbre. Certains ont espéré profiter de ses messages, en faire leur mentor, engager un dialogue avec lui. D’autres, plus rares lui ont déclaré leur amour. L’objet de ce livre est de suivre depuis l’Antiquité gréco-romaine ceux qui ont su « voir l’arbre » : Horace et Virgile, mais aussi Ronsard et La Fontaine. Par la suite, Rousseau, Goethe, Novalis et, en France, Chateaubriand, Senancour, Maurice de Guérin, avant Verhaeren, Proust, Francis Ponge et Yves Bonnefoy. Bien entendu, il y eut aussi des peintres. Autant de sensations et d’émotions qui ont suscité des pratiques : s’étendre sous les ombrages, s’y délasser, y méditer, s’enfouir dans le végétal, s’y réfugier, y grimper constituent autant de comportements répondant à des pulsions profondes. À l’époque contemporaine, certains ont tenté d’incruster leur corps dans l’écorce, en espérant que le végétal ferait croître l’empreinte. À l’extrême, des moribonds ont souhaité que leur ADN soit transmis à l’arbre planté sur leur tombe. On le voit, c’est à une longue promenade que ce livre invite, à la rencontre de l’arbre champêtre, de l’arbre haie, de l’arbre isolé et sauvage comme de l’arbre domestique. Il s’agit ici de l’histoire des émotions éprouvées par des individus qui, au fil des siècles, possédaient la rhétorique pour les dire.