L’œuvre de Villon comprend six ballades qui ont constamment mystifié la critique et, malgré la découverte des archives du célèbre procès des Coquillards, tenu à Dijon en 1455, défié un siècle d’exégèse. C’est à ce problème que s’attaque Pierre Guiraud, professeur à la Faculté de Nice, à la lumière d’une documentation lexicographique nouvelle et surtout en partant des postulats et des méthodes de la linguistique structurale. La patiente reconstruction du savoureux jargon de la Coquille permet de déchiffrer les ballades et il apparaît bien qu’elles sont consacrées à l’activité des différentes catégories de malfaiteurs en butte à la police et à la justice, faux-monnayeurs, entauleurs et autres casseurs de coffres. Mais sous ce texte en surgit un deuxième, puis un troisième. Chaque mot, chaque phrase, chaque poème se lit trois fois et les trois leçons forment un tout : les dangers du métier, du jeu, de l’amour ; métier de voleur comme on l’a dit, jeux de cartes où tout le monde triche, amour en l’occurrence pédérastique. Cette structure, si insolite à nos yeux, est conforme à la rhétorique médiévale et il faut y voir une forme de la poésie hermétique des troubadours. Le code ainsi décrypté, le problème rebondit : s’appliquant à coup sûr aux Lais et au Testament, c’est l’interprétation de l’œuvre entière de Villon qui doit être reprise. Et en même temps qu’une introduction aux coulisses de la lexicologie moderne, cette savante étude est la plus vivante évocation de la vie de la pègre au XVe siècle.