Si les rapports entre l’art et la folie font l’objet d’une interrogation qui remonte aux origines de la culture, l’établissement d’un lien plus organisé entre la psychiatrie et des techniques empruntées aux pratiques artistiques date, lui, de la fin du siècle dernier. Mais c’est surtout depuis les années soixante qu’aux États-Unis comme en Europe on a vu se créer dans nombre de services de psychiatrie, des centres de jour, et des centres de postcure, des ateliers proposant aux patients des activités d’expression ou de créativité, animés par des membres du personnel soignant, des artistes amateurs ou des artistes de métier. De manière d’abord toute empirique et quelquefois plus organisée, s’est ainsi mise en place une extraordinaire variété de techniques que le nom ambigu d’art-thérapie vient désigner désormais. Ce livre est un essai critique qui cherche à mettre au jour quelques présupposés sous-jacents à ces activités. Il invite ceux qui s’intéressent à ce champ où se nouent toutes sortes de liaisons plus ou moins fécondes ou dangereuses, à préciser les outils conceptuels susceptibles d’éclairer ces pratiques. Les dangers qui les guettent sont essentiellement l’objectivation psychologique, l’utilisation des œuvres à des fins diagnostiques, le besoin effréné d’interpréter et d’expliquer. L’œuvre de H. Prinzhorn, un précurseur éminent, ou les initiatives de quelques animateurs d’ateliers actuels, permettent de dégager des directions de recherches intéressantes. La réflexion débouche sur l'analyse dudit effet thérapeutique, à partir de ce qu'enseigne la pratique psychanalytique. Il ne s’agit ni d’une histoire de l’art, ni d’une histoire des thérapies mais d’un dialogue entre l’analyste, l’artiste et le thérapeute sur quelques points cruciaux qui les rapprochent ou les séparent: exprimer, signifier, créer, jouer, symboliser...