Le Mauvais Langage corrigé est, sans contredit, un livre utile et propre à faire disparoître un grand nombre de locutions vicieuses usitées à Lyon, même parmi les personnes qui se piquent de parler correctement. Néanmoins un pareil ouvrage, pour répondre à son titre, me paroît exiger un travail beaucoup plus étendu et sur-tout plus approfondi que celui que M. Molard vient de publier.
Il est naturel que l'attention du Lexicographe se porte d'abord sur les mots considérés séparément et sans rapport à leur construction grammaticale. Il faut faire connoître ceux que proscrit le bon usage, en déterminer la valeur précise, et indiquer avec justesse ceux qu'il convient de leur substituer. Mais est-il à propos de comprendre dans cette nomenclature les expressions qui n'appartiennent qu'aux dernières classes du peuple? Les gens qui les emploient n'achètent pas de dictionnaire; ils ne lisent pas. Et d'ailleurs on feroit des volumes si l'on vouloit recueillir cette foule de mots bizarres, ridicules, dénaturés de mille manières, et souvent créés par l'ouvrier ignorant, au moment même où il en a besoin pour rendre sa pensée. Un livre de grammaire n'est destiné qu'aux personnes qui mettent quelque intérêt à bien parler, et ce n'est certainement pas de la bouche de ces personnes que sortent des mots tels que ceux-ci: agotiau, apincher, bleusir, cologne, égrafiner, et tant d'autres que je me dispense de citer.