Sur le terrain, le bon ethnographe s'attache à ce qui empêche ses interlocuteurs de dormir tranquilles, à ce qui les passionne, les fait débattre à l'infini, les met en joie ou en larmes, les émeut... En France et en Europe, il y a à peine un demi-siècle que le patrimoine fait pleinement partie de ces causes pour lesquelles individus et collectifs se mettent en mouvement. Le présent ouvrage analyse cette révolution discrète mais profonde. Il la saisit dans la diversité concrète des mobilisations. Les unes sobres, les autres expansives. Certaines canalisées par le savoir-faire administratif, quelques-unes débordant tous les cadres et s'épanchant en résistance inattendue, spectaculaire, radicale. Une question anthropologique court dans cette enquête : comment est-on sorti du « temps des monuments », au cours duquel ces derniers incarnaient de façon très persuasive la patrie, grande ou petite, pour entrer dans le « temps du patrimoine » où se forge un tout autre rapport sensible au passé et où s’inventent des engagements inédits ? Ce nouveau régime patrimonial, plus ou moins promu à l’échelle du monde, se heurte un peu partout à des réactions politiques puissantes que la comparaison ethnologique nous aide à identifier.