Les textes présentés dans cet ouvrage constituent une partie des notes et mémoires rédigés, et quelquefois imprimés, dans le cadre de la société des Observateurs de l’homme. L’existence assez brève de cette société (1799-1805) est sans doute responsable de la dispersion des manuscrits originaux, de leur difficulté d’accès et de leur nombre réduit. Ils sont ici réunis pour la première fois. Partiellement conçus et écrits pour l’expédition scientifique du capitaine Baudin « aux Terres australes » en 1800 (le projet en fut soutenu par l’Institut de France et le financement assuré par le gouvernement sur la décision de Bonaparte), ces mémoires sont de véritables guides d’enquête anthropologique et ethnologique. À ce titre, ils intéressent l’histoire des sciences humaines. Peut-être même représentent-ils les premières tentatives de réflexion méthodique sur des disciplines qui ne devaient naître et se développer qu’un siècle plus tard. Des considérations linguistiques et ethnologiques de J. M. de Gérando aux instructions anthropométriques et muséographiques de G. Cuvier, en passant par la philosophie naturaliste de L.F. Jauffret, les observations épidémiologiques de F. Péron et le rapport clinique de Ph. Pinel sur un « sauvage à domicile », Victor de l’Aveyron, ce recueil montre les débuts d’une science : l’anthropologie ; ceux d’une démarche : comprendre l’homme en allant le regarder vivre. Il se termine par une lettre de celui qui fut le malheureux héros de l’expédition. Nicolas Baudin, mort d’épuisement et de maladie à l’île de France (île Maurice) en 1803, avant le retour de sa flotte au Havre. Dans cette lettre, adressée à A.L. Jussieu, Baudin invitait déjà à s’interroger, dans le but de faire progresser la « science de l’homme ». autant sur la pensée de ceux qui observent que sur les coutumes de ceux qui sont observés.