D'où viennent les mythes? Comment se fabriquent-ils? Et comment les comprendre? Si Lévi-Strauss oppose le mythe à la poésie, et en fait une structure indépendante de la langue, John Scheid et Jesper Svenbro nous montrent au contraire à quel point les mots, les noms et les objets sont au cœur de l'élaboration du mythe. Car le récit mythique ne se fait pas malgré les mots mais à partir et au moyen d'eux. Ce n'est pas par hasard que le périmètre d'Alexandrie a été délimité avec de la farine plutôt qu'avec de la craie : il fallait marquer le caractère nourricier d'une ville appelée à devenir prospère et cosmopolite. Et si la lyre a le pouvoir de sortir Eurydice des Enfers, c'est parce que selon le récit de son invention, elle a été conçue à partir d'une carapace de tortue morte. Car en donnant voix à la tortue qui était jusque-là condamnée à demeurer toute sa vie dans sa maison/tombe, et dont le nom, qui doit être dérivé du latin tartaruca, signifie " bête du Tartare ", le mythe inverse le cycle vie/mort en un cycle mort/vie. Ces exemples ne résultent pas d'une heureuse coïncidence découverte après coup mais illustrent bien la condition, préalable et parfaitement consciente, de l'élaboration du mythe. De la fondation de Carthage aux exploits d'Héraklès, en passant par le destin tragique d 'OEdipe, John Scheid et Jesper Svenbro nous invitent à une passionnante relecture de grands mythes de l 'Antiquité.