La révolution démocratique et sociale qui surgit aujourd’hui dans le monde arabe et, plus largement, dans le monde musulman, est à la fois une bonne nouvelle et un événement historique et international majeur. Ce « 89 » arabe, qui évoque tout autant le 1989 européen de la chute du mur de Berlin que le 1789 de la Révolution française, ébranle en profondeur les sociétés et touche également les pays européens, dont la France. L’analyser, l’expliquer, en évaluer la portée, est la raison d’être de ce dialogue entre un journaliste, Edwy Plenel, et un historien, Benjamin Stora. La confrontation entre les interrogations du présent, dont témoigne le premier, et la connaissance du passé, que détient le second, est particulièrement éclairante. Elle permet de saisir à la fois ce qu’il y a d’imprévisible, d’inventif, d’inédit dans le soulèvement des peuples et les faits oubliés ou les expériences meurtries dont il est pétri.
Au-delà de leurs métiers et intérêts respectifs, une longue complicité amicale et intellectuelle rapproche les auteurs et anime leur conversation. Elle est liée à des parcours sinon communs, du moins voisins. Benjamin Stora est né en Algérie, qu’il a dû quitter en 1962, tandis que Edwy Plenel y a vécu après l’indépendance. Tous deux ont placé la question coloniale, l’actualité de son passé et la critique de ses héritages au coeur d’engagements de jeunesse qu’ils ne renient pas et qui ont en partie faits ce qu’ils sont devenus. Tous deux sont concernés, informés et leur souci de comprendre est aussi l’expression d’une vive empathie envers ces révolutions porteuses d’espérance.